Rémi Dromnelle : Salut Tam ! Si je devais me résumer en quelques mots, je dirais que je suis avant tout un passionné d’univers de fiction. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été très attiré par tout ce qui touchait à l’imaginaire. Via la lecture, l’écriture, les films, les jeux et l’art. En grandissant, cette passion m’a conduit à m’intéresser aux mystères de la science, nombreux et divers, et tous plus inspirants les uns que les autres. C’est ainsi que, de fil en aiguille, j’ai débuté l’étude de la biologie, de la bio-informatique, des neurosciences cognitives, de l’intelligence artificielle et de la robotique. Plus récemment, j’ai aussi écrit le roman qui me vaut d’être interviewé aujourd’hui.
R : Je suis un ancien joueur français de Ryzom, ayant commencé à jouer en 2009 avant la fusion des serveurs. J’ai été très actif durant cinq ans environ, puis me suis progressivement éloigné du jeu. J’étais un joueur RP qui appréciait beaucoup le PVP.
R : C’est un peu compliqué, ahah.
J’ai joué deux personnages tous deux atteints de troubles dissociatifs de la personnalité : Kiriga / Ki’yumé et Vao / Ki’gan. Je vais parler d’eux plus en détail. Pour ceux et celles que ça n’intéresse pas, vous pouvez passer à la question suivante !
Kiriga était un jeune Zoraï en quête de sens qui fut séduit par les préceptes kamiques apocryphes que prêchaient les Rôdeurs d’Atys. Pour faire court, les Rôdeurs d’Atys vénéraient les Kamis et Ma-Duk, mais réfutaient les écrits de Hoï-Cho sur le Kamisme des Révélations. Eux suivaient leurs propres écrits : le Culte Noir de Ma-Duk. Comme tous les membres de sa guilde, Kiriga était un fanatique religieux qui menait une guerre permanente contre la Karavan et ses suppôts, et qui se montrait aussi très critique envers les autres Kamistes qu’il considérait comme trop mous.
Les années passèrent, et, progressivement, la guilde des Rôdeurs d’Atys se désagrégea. Fou de colère et de tristesse de voir ses camarades déserter un à un, certains rejoignant même les rangs de la Karavan, Kiriga sombra dans une profonde dépression. Il se mit à consommer des psychotropes toxiques et apprit à en créer lui-même.
C’est ainsi qu’il fabriqua la Sève Noire (ou plutôt les différentes versions de la Sève Noire), dont il fut le premier cobaye. Petit à petit la drogue le détruit et fit naître en lui une personnalité monstrueuse : Ki’yumé. Un être horrible ayant pour seule ambition de créer un maximum de chaos.
Pour mener à bien ses objectifs délirants, Ki’yumé répondit à l’appel des Maraudeurs lancé par Akilia. Une Akilia qui avait, selon lui, sombré dans une folie meurtrière depuis bien longtemps déjà. Accompagnés de camarades à qui il proposa ses psychotropes stimulants, il co-fonda le Clan Maraudeur de la Sève Noire.
Durant les années qui suivirent, Ki’yumé sema le chaos sur les Nouvelles Terres, commit plusieurs attentats et captura l’Éveillée Ki’atal. Il mourut finalement dans des circonstances mystérieuses au cours du Second Grand Essaim, comme beaucoup d’autres homins.
Vao Lu-Hoo, lui aussi Zoraï, était l’un des émissaires du Clan de la Sève Noire, qui fut capturé par la Théocratie Zoraï alors qu’il avait été envoyé en mission diplomatique à Zora. Ce que ne savait pas la Théocratie à cette époque est que Vao était aussi l’un des disciples de Ki’yumé. Un disciple qui avait été choisi non sans raison. En effet, Vao était atteint de troubles dissociatifs de l'identité causés par de graves traumatismes infantiles. Pour Ki’yumé, il était un terrain d’expérimentation parfait.
Enfermé dans les geôles de Zora durant le Second Grand Essaim, Vao survécut à l’attaque des Kitins et s’enfuit lorsque l’attaque se calma. Incapable de faire face à la montagne de défis qui l’attendait, il laissa progressivement sa seconde personnalité prendre le dessus. Celle-ci se fit appeler Ki’gan et ne rendit jamais le contrôle à Vao. Durant plusieurs années, Ki’gan chercha son maître, en vain, mais retrouva malgré tout certains de ses camarades Maraudeurs. Étant le dernier d’entre eux à connaître les secrets de production des drogues de Ki’yumé, il le remplaça finalement en tant qu’alchimiste du Clan.
Durant les longues années qui suivirent, Ki’gan mena tout comme son défunt mentor de nombreux attentats à l’encontre des différentes nations atysiennes. Cependant, à l’inverse de Ki’yumé qui semblait n’être animé que par la folie, Ki’gan était un véritable militant politique, souhaitant l’abolition des gouvernements et la rébellion des homins contre les Puissances.
Un beau jour, et sans qu’on ne sache pourquoi, Ki’gan disparut. Lorsqu’il réapparu enfin quelques décennies plus tard, ce n’est pas Ki’gan qui se présenta, mais Vao. Un Vao amnésique, inconscient de son passé de criminel et à qui 30 ans de vie avaient été volés.
R : Quelques mois après avoir commencé Ryzom, j’ai découvert la guilde des Rôdeurs d’Atys. Instantanément, j’ai été fasciné par l’aura menaçante qui se dégageait de ses membres. Je me rappelle d’ailleurs encore du rite d’initiation qu’ils m’ont fait passer et de la cérémonie qui a suivi, durant laquelle mon PC a crashé ! Lorsque je me suis reconnecté, ils m'avaient tué, considérant que mon avatar s’était endormi en pleine cérémonie.
Une fois recruté, j’ai tout de suite compris que cette ambiance martiale était en réalité la façade RP d’un groupe très accueillant et chaleureux. J’ai aussi découvert un lore de guilde original reposant sur une mythologie sombre et cryptique, imaginée par ses membres, et notamment deux d’entre eux : Kalchek et Damakian. Si je devais retenir une seule des idées qui m’ont marqué, ce serait celle de l’existence passée d’un Zoraï au Masque Noir ayant vécu sur les Anciennes Terres.
Durant les années qui ont suivi, je me suis beaucoup intéressé aux Maraudeurs et aux Anciennes Terres. Ainsi, j’ai commencé à imaginer l’histoire de ce Zoraï au Masque Noir et de la croisade qu’il aurait pu mener.
C’est seulement en 2018, alors que je revenais sur Ryzom après une pause de plusieurs années, que m’est venue l’idée de mettre cette histoire à l’écrit. Encouragé par Lai’Suki, puis par Nilstilar, je me suis donc attelé à la tâche, à raison d’environ 3 chapitres par an publié sur le forum officiel.
Tout bascula fin 2020 lorsque tu m'as contacté : tu m'as dit avoir lu et adoré l’ébauche de mon histoire et tu voulais savoir si écrire des nouvelles labellisées Ryzom pourrait me plaire. J'étais intéressé par l’idée, mais ne souhaitais pas délaisser mon histoire. C'est pourquoi nous avons finalement décidé de la reprendre et d’en faire un projet bien plus abouti. Si je ne me trompe pas, l’idée t'avait plus ou moins été soufflée par Nilstilar.
Au passage, il est important de noter que mon roman est et restera une fanfiction. Certes, j’essaie de coller au mieux au Lore de Ryzom et à son Histoire. Pour autant, je ne souhaite pas que ma vision de l’univers de Ryzom fasse autorité, ni que certains points du Lore m'empêchent de m’exprimer pleinement.
R : Les premières années, alors que le projet était encore une simple ébauche, rien n’était réellement organisé. J’écrivais un chapitre puis Lai’Suki me donnait son avis. Ensuite, Nilstilar s’est joint à la partie.
Les choses ont changé lorsque tu es venue vers moi en novembre 2020 pour me proposer un partenariat. À cette époque, j'étais concentré sur la fin de mon doctorat, et ne me sentais pas capable de mener ces deux projets à la fois. J’ai donc décidé de mettre le roman de côté quelque temps.
Arrive ainsi août 2021, où tout mon temps pouvait désormais être consacré à l’écriture du roman. Dès lors, j’écrivis un chapitre par mois. Durant cette période, j’ai été en contact étroit avec la Lore Team, qui m’aida à approfondir mes connaissances sur l’univers de Ryzom et qui me permit de modifier un certain nombre d’éléments pour les rendre « Lore compatible ».
Plus concrètement, au quotidien, je travaillais depuis chez moi ou dans des cafés. Pour avancer sans me décourager, je me fixais des objectifs en termes de chapitres : chacun d’entre eux devait raconter sa propre histoire. Ainsi, même si la montagne de travail qui me restait à accomplir paraissait souvent gigantesque, terminer ce fragment d’histoire restait un accomplissement en soi. Hormis un, tous ont d’ailleurs été rédigés dans l'ordre chronologique.
Bien souvent, je mettais l’écriture du chapitre en pause, et me replongeai dans les précédents afin d’en modifier certains contours. Si j’ai bien appris quelque chose ces deux dernières années, c’est que le travail d’écriture est avant tout un travail de réécriture ! Un autre élément potentiellement notable est le fait que je récitais systématiquement mon texte à l’oral lorsque je l’écrivais. Cela me permettait de mieux cerner les émotions que je voulais transmettre, de trouver les mots qui sonnaient le mieux ainsi que la ponctuation la plus appropriée.
Une fois un chapitre terminé, je le copiais sur un document partagé afin que Nistilar, toujours présent à mes côtés, puisse me relire, me corriger, et me donner son avis. S’ensuivait généralement deux semaines de pause durant lesquelles je réfléchissais à la suite et prenais quelques jours de repos.
Enfin… En vérité, au quotidien, il n’y avait pas une journée durant laquelle je ne pensais pas au livre. Un rien pouvait m’inspirer. Armé de mon téléphone, je prenais ainsi quotidiennement des notes. Les simples idées terminaient sur le fichier « Guerre Sacrée – idées » et les pensées plus abouties sur le fichier « Guerre Sacrée – trame », constitué d’une succession de résumés de chapitre.
R : Pour commencer, je vais peut-être briser un « tabou » en révélant ne pas être un grand lecteur. Si j’ai pu l’être dans ma jeunesse, je lis désormais deux romans par an tout au plus. Cette année, je n’en ai d’ailleurs pas encore terminé un seul… Sinon, il m’arrive souvent de lire des manuels de jeu de rôle sur table, surtout lorsque ceux-ci ont un lore très dense... J’adore lire des bibles d’univers de fiction.
Tout ça pour dire qu’il n’est pas nécessaire d’être un grand lecteur, ou d’avoir lu tous les « classiques » de la fantaisie ou de la science-fiction, pour écrire soi-même de l’imaginaire. Cela ne devrait jamais empêcher les gens de se lancer !
Puisque je lis peu, mes références culturelles sont avant tout des films, des séries, des animés et des jeux. Cela explique pourquoi je mets souvent l’emphase sur les descriptions : je visualise absolument tout ce que j’écris. Idéalement, j’aurais d’ailleurs un bon niveau en dessin… Souvent, je me dis que c’est mon incapacité à dessiner les scènes que j’imaginais lorsque j’étais enfant qui m’a poussé vers l’écriture.
Parfois, aussi, un reportage, une discussion ou une œuvre d’art va m’inspirer quelque chose de puissant. À nouveau, prendre des notes sur mon téléphone me permet de ne pas oublier les idées que je peux avoir dans ces moments-là.
Ah, et je ne peux pas écrire sans casque sur les oreilles ! En effet, écouter certaines musiques me permet d’être au plus proche des émotions que j’ai envie de transmettre dans mes textes (tristesse, sentiment épique, tension, etc.). D’ailleurs, on y revient, ces musiques sont souvent des bandes sons de films ou de jeux.
R : En effet, ayant décidé de m’auto-éditer, j’ai dû gérer une plus grande charge de travail : correction orthographique, couverture, quatrième de couverture, maquettage, etc.
Pourquoi avoir choisi l’auto-édition ? Écrivant avant tout pour mon propre plaisir et celui de mes lecteur.ices, je n’avais pas envie de me confronter aux refus de l’édition et de passer des semaines ou des mois à trouver la maison d’édition qui voudrait bien publier mon travail. Au risque aussi qu’elle me demande de modifier ceci ou cela. M'auto-éditer m’a donc semblé être le choix le plus approprié.
Pour ce faire, j’ai choisi Librinova, une plateforme d’auto-édition française proposant un certain nombre de services d’édition et fondée par deux femmes issues du milieu. En vérité, la solution la plus optimale en termes de coût et d’exposition aurait été d’utiliser le service d’auto-édition d’Amazon (KDP). Mais pour la version française de ce premier livre, au moins, je voulais faire appel à une solution nationale. À noter que la version numérique de mon livre a quand même été automatiquement référencée dans la bibliothèque d’Amazon par Librinova.
R : Oui, tout à fait ! Une version anglaise et une allemande du livre sont actuellement en train d’être traduites par des bénévoles de la communauté de Ryzom. Au passage, je tiens à dire que ces personnes se sont proposées d’elles-même. Je ne suis pas allé les chercher. En vérité, je ne suis pas très à l’aise à l’idée de faire travailler des personnes sans les rémunérer. À nouveau, donc, merci pour votre extrême générosité !
R : Arriver au bout de ce projet m’a procuré beaucoup de joie ! C’est une véritable réalisation. Mais plus que tout, ce sont les retours des personnes m’ayant lu qui me ravissent. J’ai réussi, avec ce premier tome, à toucher certaines personnes, qu’ils connaissent ou non l’univers de Ryzom. Et je dois dire que j’en tire une petite fierté. Écrire dans son coin et ressentir des émotions en faisant vivre les personnages que l’on a inventés, c’est déjà puissant. Réussir à transmettre ces émotions, c’est d’un tout autre niveau…
R : Terminer un chapitre me procurait toujours beaucoup de satisfaction ! À nouveau, me fixer des objectifs pour chaque chapitre m’a énormément aidé à avancer, aussi bien sur un plan pratique que psychologique.
Sinon, je dirai que ma plus grande satisfaction a été le retour de certains proches, comme mentionné ci-dessus.
R : L’ortografe ! Quel enfer que d’être aussi mauvais que moi. Certes, il existe aujourd’hui plein d’outils pour nous assister. Pourtant, ce n’est clairement pas suffisant. Heureusement que vous, Nilstilar et toi, étiez là pour repasser derrière moi !
Scénaristiquement parlant, sinon, tout à plutôt coulé de source pour ce premier tome. À voir maintenant si ce sera le cas des suivants.
Finalement, le plus difficile a probablement été de rendre ce livre accessible à quelqu’un ne connaissant pas l’univers de Ryzom (présenter les éléments importants autrement que par des cours d’histoire, ne pas trop en dire, en dire assez, etc.) tout en faisant en sorte que ma vision de cet univers de fiction plaise aux joueurs et aux joueuses expérimenté.es.
R : La trame du tome 2 est terminée et résumée chapitre par chapitre dans un document. Quant aux tomes suivants, c’est pour le moment bien plus flou : j’ai les grandes idées et les moments clés du récit en tête, mais les transitions et les détails restent encore à travailler.
Ah, et je dis « tomes suivants » au pluriel car je pense qu’il y en aura quatre. Initialement, j’étais plutôt parti sur trois, mais je pense que ça ne tiendra pas. Enfin, on verra. Il est possible que cela change, dans un sens comme dans l’autre.
Quant à la date de sortie du tome 2, je ne préfère pas me prononcer. Pas avant 2024 en tout cas, c’est certain. Tout ce que je peux dire pour le moment, c’est que je compte commencer son écriture cet hiver. J’ai hâte !
R : Au moment où j’écris ces lignes : trouver du travail ! Ça serait déjà pas mal.
Ensuite, j’ai imaginé quelques scénarios de JDR sur table que j’aimerais bien faire jouer à des ami.es, telle la suite de ma campagne de Vampire: la Mascarade que je mène maintenant depuis cinq ans.
Côté Ryzom, il y a le second tome de la Guerre Sacrée, bien sûr. Mais à côté de ça, j’ai aussi pour projet de faire réaliser une carte des Anciennes Terres par un.e artiste-cartographe. Une carte qui pourra servir à illustrer mes romans. Mais pour cela, il me reste encore à discuter de pas mal de détails avec la Lore Team.
R : Merci de m’avoir proposé cette interview Tam ! Je profite de ce dernier message pour remercier toutes les personnes qui m’ont lu et m’ont fait des retours constructifs, et toutes celles et ceux qui m’ont accompagné dans la réalisation de ce premier tome. Comptez sur moi pour que le deuxième soit encore plus abouti !
Ainsi s'achève, chers lecteurs, ce numéro des Coulisses d'Atys, que nous avons eu beaucoup de plaisir à réaliser pour vous.
A la prochaine fois !